Comment éviter les biais de recrutement pour mieux recruter ?
On recense aujourd’hui plus de 250 biais cognitifs. Présents partout dans notre quotidien, ils influencent nos perceptions et nos jugements… Inévitablement, ils s’invitent aussi dans le recrutement.
Concrètement, cela donne lieu à des candidats parfois écartés sans raison valable, des décisions qui manquent d’objectivité et, à terme, un impact réel sur la diversité des équipes et sur leurs performances.
Comment éviter que ces biais cognitifs ne biaisent le processus de recrutement ? Quelles solutions concrètes existent pour les limiter et garantir de prendre des décisions fiables ?
Qu’est-ce qu’un biais de recrutement ?
Un biais cognitif dans le recrutement est un raccourci ou filtre mental, souvent inconscient, qui influence et déforme le jugement du recruteur lors de l’évaluation des candidats, au risque d’entraîner des décisions injustes ou non objectives.
Dans les faits, un recruteur peut accorder trop d’importance à un détail, à une attitude, à une façon de parler, à une remarque récente, selon un référentiel qui lui est propre. Il passe alors à côté de ce qui compte vraiment : les compétences, l’expérience, le potentiel.
Ces mécanismes inconscients agissent comme des filtres qui déforment l’évaluation et finissent par fausser la décision finale.
💡Vous avez déjà entendu parlé du fameux “test de la tasse de café” ?
Certains recruteurs disent l’utiliser pour mesurer la politesse ou l’esprit d’équipe d’un candidat. Si un candidat pense à rapporter sa tasse en fin d’entretien, alors il est jugé comme un profil sérieux. Cela relève plus de l’anecdote que d’un outil fiable… Les biais cognitifs, quant à eux, sont bien réels et documentés : ils influencent chaque étape du recrutement, souvent de manière inconsciente :
- lors de la lecture du CV (ex. un prénom qui évoque une origine particulière),
- pendant l’entretien (ex. une forte première impression positive ou négative),
- au moment de la décision finale (ex. influence d’une remarque récente d’un participant au processus de recrutement).
Quelles sont les conséquences des biais cognitifs dans le recrutement ?
Pour l’entreprise, leurs conséquences sont tangibles :
- perte de talents,
- homogénéité des équipes,
- baisse de performance,
- risques de contentieux juridiques.
Pour le candidat, elles se traduisent par :
- un sentiment d’injustice
- une expérience de recrutement dégradée.
Comme le décrit bien Marie-Sophie Zambeaux dans son ouvrage : “Recrutement sous influence : Libérez-vous des biais cognitifs” (Dunod, 2025) :
“Un biais cognitif, c’est un raccourci de pensée mentale, spontané et inconscient, qui peut nous induire en erreur dans nos prises de décision. Chaque jour, nous prenons environ 35 000 décisions en mode réflexe et de façon inconsciente. Pour la plupart des décisions, ce mode fonctionne. Mais pour des décisions stratégiques, il faut mettre en place le système analytique.”
Cette mise en garde prend tout son sens dans le recrutement : chaque jugement, même infime, peut orienter une décision et influencer la composition future des équipes.
Quels sont les 11 biais de recrutement les plus fréquents ?
Parmi les centaines de biais cognitifs identifiés, certains reviennent régulièrement dans le cadre du recrutement. Il est important de noter que ces biais cognitifs touchent aussi bien les recruteurs que les candidats. Il est donc essentiel pour le recruteur de les connaître afin de ne pas être influencé par leurs propres biais mais également par ceux des candidats. Voici les principaux biais à connaître pour mieux les détecter.
#1 — le biais de première impression
Le biais de première impression se déclenche lorsqu’un recruteur se forge souvent une opinion dans les premières secondes d’un entretien. Un sourire, une poignée de main assurée ou au contraire une attitude plus réservée peuvent influencer l’ensemble de l’évaluation. Ce biais conduit à surévaluer ou sous-évaluer un candidat sans tenir compte de ses compétences réelles.
# 2 — le biais d’extraordinarité
Le biais d’extraordinarité provient d’un élément atypique attire l’attention et prend une place démesurée dans le jugement.
Par exemple un parcours international rare ou une expérience professionnelle originale peut occulter un éventuel déficit de compétences sur des critères plus essentiels pour le poste.
#3 — le biais de confirmation
Le biais de confirmation apparaît quand le recruteur cherche à confirmer une idée qu’il s’est déjà faite. Si un candidat semble correspondre au profil attendu, seules les informations qui valident cette impression sont retenues, tandis que les signaux contraires sont minimisés.
#4 — l’effet de halo
L’effet de Halo se produit quand la qualité perçue chez le candidat influence la perception globale.
Par exemple, un profil à haut potentiel peut amener à supposer à tort que la personne est performante dans n’importe quel domaine.
#5 — le biais de désirabilité sociale
Le biais de désirabilité sociale arrive quand certains candidats adaptent leur discours pour correspondre à ce qu’ils pensent que le recruteur attend. Ce biais rend plus difficile l’évaluation sincère des motivations et des compétences réelles.
#6 — le biais de cadrage
Le biais de cadrage c’est lorsque la manière dont une information est présentée influence la décision.
Par exemple, dire qu’un candidat à un poste de commercial a “échoué à 30 % de ses objectifs” suscite une réaction différente que de dire qu’il en a “atteint 70 %”, alors qu’il s’agit du même résultat.
#7 — l’effet de récence
L’effet de récence est susceptible de se produire quand lors d’une série d’entretiens, le dernier candidat rencontré reste plus présent dans l’esprit du recruteur. Cette mémoire sélective peut fausser la comparaison globale et défavoriser les premiers passés.
#8 — le biais d’entomologiste
Le biais d’entomologiste consiste à suranalyser les détails du CV ou du parcours d’un candidat, en oubliant la vision d’ensemble. Une faute d’orthographe ou une expérience courte peut occulter un parcours riche et pertinent.
#9 — l’effet Dunning-Kruger
L’effet Dunning-Kruger est un biais cognitif par lequel les personnes peu compétentes dans un domaine surestiment leur niveau parce qu’elles n’ont pas conscience de ce qu’elles ignorent.
Par exemple, un développeur débutant qui vient de suivre un court bootcamp pense pouvoir livrer seul une application complexe et estime sa maîtrise à 90 %, alors qu’il ignore des notions clés (tests, sécurité, architecture) — il surestime donc ses capacités. À l’inverse, un ingénieur senior, conscient des subtilités du métier, évalue sa maîtrise de façon plus modeste
#10 — les corrélations illusoires
La corrélation illusoire se définit par le fait d’établir un lien qui n’existe pas.
Par exemple, penser qu’un diplôme d’une grande école garantit forcément la performance ou à l’inverse, qu’un parcours atypique implique un manque de stabilité.
#11 — le biais de projection
Le biais de projection arrive quand le recruteur projette sa propre manière de fonctionner sur le candidat. Il valorise davantage une personne qui lui ressemble ou qui partage ses centres d’intérêt, au détriment de l’objectivité.
Comment réduire les biais de recrutement ?
Connaître les biais cognitifs qui peuvent influer sur la décision de recrutement ne suffit pas. Pour limiter leur influence dans un processus de recrutement, plusieurs pratiques peuvent être mises en place dès la préparation des entretiens.
Définir des critères de sélection clairs et objectifs
Avant de rencontrer les candidats, il est indispensable d’établir des critères mesurables, directement liés aux missions et aux compétences attendues. Cette préparation réduit la place laissée à l’intuition et aux jugements subjectifs.
Structurer les entretiens
Les questions posées doivent être standardisées pour permettre une comparaison équitable. Cela peut prendre la forme d’une grille d’entretien qui structure en amont les questions à poser lors de l’entretien ou bien encore d’une scorecard recrutement, qui est un outil de notation permettant de comparer objectivement les candidats après l’entretien.
Impliquer plusieurs évaluateurs
Associer plusieurs personnes au processus permet de croiser les points de vue et de réduire le poids des biais individuels. La diversité des profils impliqués (RH, managers, opérationnels…) améliore la qualité du jugement collectif.
Recourir à des évaluations objectives
Les tests de compétences métiers, les tests de motivation et de personnalité, les mises en situation ou encore les études de cas apportent des données factuelles sur l’évolution future d’un candidat en entreprise. Ils complètent l’entretien et réduisent l’impact des impressions subjectives.
Anonymiser les candidatures
Supprimer les informations sensibles comme le nom, l’âge, le sexe ou l’origine permet d’évaluer un parcours et des compétences avant tout. Cette pratique réduit les risques de discrimination consciente ou inconsciente.
Selon la Dares, un candidat avec un prénom et un nom à “consonance hexagonale” reçoit 1,3 fois plus de réponses positives qu’un candidat avec un prénom et un nom à “consonance maghrébine”, à profil identique.
Utiliser des outils de sensibilisation aux biais de recrutement
Prendre conscience de ses propres biais est une étape essentielle. Utiliser un test de sensibilisation aux biais cognitifs en recrutement vous aidera à mesurer en moins d’une quinzaine de minutes votre exposition aux biais les plus courants. Vous pourrez alors progresser efficacement vers des pratiques plus objectives.
Les biais de recrutement peuvent se glisser partout : dans la lecture d’un CV, lors d’un entretien ou au moment du choix final. Les repérer, c’est déjà un premier pas pour prendre de meilleures décisions et éviter de passer à côté de bons candidats.
Et ces mécanismes ne s’arrêtent pas à l’embauche. On les retrouve aussi dans la vie de l’entreprise : une évaluation annuelle, une promotion, l’attribution d’un projet stratégique… Autant de situations où un jugement biaisé peut faire la différence.
Biais d’entomologiste, de projection, de cadrage, de désirabilité sociale… Faîtes le test :
FAQ — Les biais de recrutement
Quels sont les biais de recrutement les plus courants ?
Dans la pratique, certains biais reviennent souvent. Le recruteur peut être influencé par la première impression qu’un candidat lui laisse, se concentrer uniquement sur ce qui confirme son opinion de départ (biais de confirmation) ou encore être marqué par une qualité qui rejaillit sur tout le reste (effet de halo).
D’autres biais fréquents concernent la désirabilité sociale, quand un candidat adapte trop son discours, ou l’effet de récence, qui favorise le dernier entretien passé.
Ces mécanismes, bien connus des psychologues, expliquent pourquoi des profils compétents passent parfois inaperçus.
Quels sont les biais de sélection ?
Le biais de sélection apparaît lorsque l’échantillon de candidats évalués n’est pas représentatif. Par exemple, cibler toujours les mêmes écoles ou réseaux professionnels limite la diversité et renforce l’homogénéité des profils.
Comment éviter les biais de sélection ?
La mise en place de critères objectifs, l’utilisation d’entretiens structurés, l’implication de plusieurs évaluateurs et le recours à des tests standardisés permettent de limiter ces biais. Des outils comme le test de sensibilisation E-testing aident également les recruteurs à prendre conscience de leurs propres tendances.